Plugged

L’art de la sélection photographique

La sélection de ses propres photographies est un processus souvent sous-estimé. Cela implique non seulement de choisir quelles images montrer, mais également de choisir celles qui vont raconter une histoire. Le fait d’être un critique acharné de son propre travail peut s’avérer être un véritable parcours du combattant, teinté d’hésitation et de doutes.

Découverte d’un thème

Dans ce processus, il est primordial d’avoir un fil conducteur. Avoir un thème peut grandement faciliter la tâche lors de la sélection des photos. Personnellement, je préfère définir un thème ébauché puis explorer mes archives photos pour dénicher des images qui résonnent avec cette idée initiale. Cela semble moins artificiel que de créer des images sous un thème préétabli.

En parcourant mes photographies existantes, je suis souvent surpris de constater que mon concept initial évolue. Parfois, il s’efface complètement au profit d’une nouvelle approche qui s’imbrique mieux avec les photographies à ma disposition. Cette flexibilité est fondamentale.

Avis extérieurs

Une fois la première ébauche d’images rassemblée, demander des avis externes s’avère crucial. Cela aide à éviter le piège des choix trop subjectifs, où l’on privilégie des photos chères à notre cœur mais qui ne s’intègrent pas forcément dans une narration cohérente. En effet, s’éloigner des “photos souvenirs” et se concentrer sur la qualité et la pertinence par rapport au thème choisi est essentiel.

Il n’existe pas de règles universelles pour sélectionner ses œuvres. On peut choisir de photographier différents aspects d’un même sujet ou bien grouper des images en fonction de leur esthétique ou des techniques spécifiques. Pour ma part, j’aime jouer avec des images qui, à première vue, semblent être en noir et blanc, mais qui sont en fait des photos en pleine couleur.

Cohésion d’une œuvre

Un ensemble d’images cohesif représente réellement votre travail. Il a tendance à démontrer un niveau de compétence et de sophistication plus élevé qu’une collection éparpillée de « meilleures photos ». La perception d’un ensemble harmonieux est généralement plus marquante. Il convient cependant de prendre en compte l’intention derrière chaque exposition. Par exemple, une collection de photos d’avions et de tanks dans un musée de la Seconde Guerre mondiale déroulera une histoire très différente de celle qui évoque l’intensité émotionnelle d’une visite d’un camp de concentration de l’époque nazie. Cela nécessite une sélection minutieuse pour permettre aux spectateurs d’expérimenter ces émotions sans que le message ne soit trop explicite.

La mise en pratique

Pour bien visualiser les images sélectionnées, je recommande d’imprimer chaque photo sous forme d’une petite épreuve, souvent en format 4 x 6 pouces, et de les couper pour qu’elles soient sur des feuilles séparées. C’est une étape cruciale où il est important de laisser son regard et ses émotions évoluer. Je passe alors par plusieurs allers-retours, ajoutant et écartant des photos jusqu’à atteindre une sélection où j’en ai environ le double de ce qu’il me faut.

Une fois que je me sens à l’aise avec le nombre, je les dispose sur une grande table pour analyser les combinaisons possibles. Cette période de réflexion m’aide à établir une séquence efficace, rendant le récit plus fluide. À chaque étape, il est essentiel de ne pas se précipiter, afin d’éviter toute décision hâtive.

Engagement émotionnel

Les spectateurs sont plus enclins à se connecter à des images leur permettant de projeter leurs propres émotions et expériences. Des images dont le sens reste quelque peu ambigu, voire abstrait, semblent souvent toucher plus profondément, par opposition à des photos trop explicites. Cela rappelle d’ailleurs la poésie japonaise des haïkus, qui capturent une ambiance générale en peu de mots, laissant place à l’interprétation personnelle.

L’exemple de Dachau

Un exemple concret de cette technique a été ma exposition solo en 2014 à Kenai Peninsula College, dont le thème s’articulait autour de photographies prises au camp de concentration de Dachau. Pour cet événement, j’ai choisi un visuel central, une image de simples ombres sur un mur, qui a rapidement façonné le titre de l’exposition : « Images éphémères ». Associée à un haïku, cette image centrale a servi de guide pour le choix des autres photographies, facilitant ainsi leur sélection :

Alors que nos ombres frôle
le mur de l’éternité,
Images éphémères.

Cet exercice d’autoréflexion m’a permis de délimiter clairement mon sujet, simplifiant la ultérieure sélection d’images. Pourquoi paresser et forcer les choses alors qu’un processus naturel conduit à une exposition plus forte et plus puissante ? Cette démarche a demandé du temps et des hésitations, mais elle a été cruciale pour arriver à mes choix finaux pour le thème des « Images éphémères ».

Flexibilité et ajustements

Il est également courant d’imprimer et de préparer plus d’images que celles qui seront finalement exposées. Cela offre la liberté de prendre des décisions finales lors du montage, afin de choisir celles qui se marient le mieux entre elles, tant en termes de contenu visuel que de dialogue entre les images. Ces ajustements réaffirment l’importance d’une approche réfléchie et dynamique du processus de sélection.

En définitive, le parcours de curation photographique est un art en soi, demandant réflexion, ouverture d’esprit, et une adaptation constante. Dans ce voyage, chaque image choisie raconte une histoire, s’entrelace avec les autres et concerne le spectateur de manière unique. Le mot « Plugged » pourrait alors évoquer cette connexion instantanée et authentique que l’on ressent lorsqu’on aboutit à une œuvre cohérente et personnelle. Ainsi, nous réalisons non seulement une exposition de photographies, mais aussi un échange transcendantal entre le créateur et son public.